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Introduction
Le système scolaire et de formation professionnelle ne répondra pas tout seul à la préparation aux grands enjeux actuels et à venir. Dès lors, nous prônons la mise en place d’une économie circulaire de la connaissance.
Cette économie est pensée à partir de la transmission, de la réutilisation et du partage de la connaissance en cycles. Elle maximise le transfert de savoirs et sa mise en oeuvre (savoir-faire) ainsi qu’elle minimise le gaspillage de passions et de talents (savoir-être).
L’idée d’appliquer le concept d’économie circulaire et son ensemble de méthodes et d’outils aux connaissances est neuve mais nous n’avons pas pour objectif de compléter une analyse théorique.
Nous voulons confronter ce modèle et ses outils à la réalité avec un projet-pilote.
Nous sautons dans la piscine, en vrai, et avec des acteurs de terrain qui sont déjà dans le bain.
Le contexte
Le besoin d’innovation, l’accroissement et la circulation de la connaissance sont une des clés pour adresser les grands enjeux écologiques, humains, économiques et sociétaux. Les comportement personnels, créativité et intelligence émotionnelle, et sociaux, communication et leadership, seront aussi nécessaires que les compétences techniques. Tous les acteurs économiques et sociaux cherchent des profils qui vont marquer la transition alors qu’ils sont eux-même très loin de montrer ces comportements.
Peu de solutions innovantes sont massivement mises en place pour la formation aux métiers et à la société de demain.
Le système éducatif en place n’a prouvé ni son efficacité, ni son efficience, ni sa rapidité d’adaptation face aux multiples enjeux hyper-complexes.
Le système scolaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles est peu compétitif au niveau international, inégalitaire et cher. Les études supérieures sont très accessibles mais avec un taux d’échec important, jusqu’à 75 %.
Le marché du travail belge est peu adapté à la digitalisation de l’économie et l’absence de mesure créera, selon Agoria, un manque à gagner de 95 milliards de PIB en 2030. Avec les éléments dont on dispose à ce jour, c’est déjà trop tard.
Le cadre de travail belge est générateur de stress et de burnout avec un coût énorme pour la société et un coût inestimable pour les individus et leurs familles.
A ce constat, nous pouvons ajouter l’expansion des écoles privées et la marchandisation des connaissances qui va jusqu’aux tentatives d’enregistrement des vertus de la nature et même du code génétique.
Il est évident que le système éducatif ne peut pas trouver des solutions à tous les problèmes et qu’il ne pourra pas le faire dans un bref délai. Il faut élargir le système à toutes les composantes de la société pour soutenir l’innovation socio-écologique. Il faut faire alliance avec le monde des entreprises et de l’industrie mais aussi avec la société civile tout en se servant des outils et de la culture des médias.
Les autorités nationales et supra-nationales s’accordent sur le besoin d’une société apprenante qui facilite les apprentissages individuels et collectifs, et développe ses capacités d’adaptation dans un monde où les changements toujours plus rapides peuvent susciter peurs et tentations de repli. L’UNESCO encourage le développement de villes apprenantes écologiques et saines, égalitaires et inclusives avec de premières initiatives. Mais ces propositions sont trop complexes et longues à mettre en place.
Il faut créer un écosystème de la connaissance, dynamique et durable, qui s’enrichit en continu.
Une économie circulaire de la connaissance
Nous avons analysé cet écosystème de la connaissance à la lumière du concept d’économie circulaire et surtout, nous proposons un guide d’actions et un projet-pilote.
Economie linéaire vs économie circulaire
Une économie circulaire est un système pensé à partir de l’entretien, du partage, de la réparation et du recyclage en boucle afin de minimiser l’utilisation des ressources, le gaspillage et la création de déchets. Chaque “déchet” devient la “nourriture” d’un autre processus. L’usage remplace la consommation. Cette démarche s’oppose à l’approche traditionnelle d’économie linéaire : extraction des ressources, production, utilisation, génération de déchet.
Aujourd’hui, la connaissance est largement considérée comme une ressource “jetable”. Le savoir acquis n’est pratiquement jamais envisagé comme transmissible et profitable
à d’autres.
Dans le paradigme actuel, les élèves et étudiants doivent “avaler” une matière théorique et prouver qu’ils l’ont mémorisée temporairement. L’application de ce savoir et plus encore sa transmission ne sont jamais à l’ordre du jour. Les travailleurs, eux, sont guidés uniquement vers des connaissances utiles au contexte du jour.
Lorsqu’un savoir est développé, il est “breveté, patenté, protégé”.
La création de savoir et sa transmission sont le fait de spécialistes : il y a une césure complète entre ceux-ci et les utilisateurs, consommateurs finaux d’un système linéaire.
- Création ou formalisation de savoirs découverts,
- Transfert par les spécialistes,
- Savoir faire, utilisation, dans l’activité économique et sociale,
- Génération de déchets car les passions et talents ne sont pas pris en compte, ce qui est utilisé n’est pas transmis et une grande partie de ce qui est appris n’est jamais utilisé, mis en oeuvre.
Les ressources du système sont l’humain avec ses passions et talents, ses aptitudes personnelles et son temps disponible d’une part et d’autre part, les savoirs formels et informels.
La connaissance est une ressource immatérielle qui s’enrichit de manière illimitée par partage.
A contrario, les capacités et le temps de l’humain sont limités. En plus, détaché de ses passions et talents, enfermé seul dans un savoir théorique, l’individu s’épuise. Simultanément le système se tarit car la création de richesse vient de la capacité de cet individu à appliquer des savoirs et des aptitudes de manière autonome et responsable dans l’activité économique et sociale.
Il faut créer un modèle de la connaissance qui circule, non seulement à partir des acteurs spécialisés vers les utilisateurs finaux mais aussi d’une personne à l’autre dans toute la société par transmission et mise en oeuvre.
Comment construire cet écosystème ?
Par essence un écosystème circulaire privilégie les échanges locaux; en particulier, la connaissance est enrichie par les échanges humains individuels.
- Par éco-conception : chaque activité d’apprentissage doit contenir une activité de transmission, que ce soit un feedback à l’enseignant, une évaluation à destination du public, un résumé, une illustration ou une réflexion personnelle afin que le contenu de l’apprentissage puisse être enrichi, partagé et répliqué.
- Par entretien et mise à jour des connaissances : pourquoi ne pas créer un service après vente des connaissances, un rappel régulier des points importants, des nouveautés du domaine, des intérêts connexes et même une certification incluant une date de validité.
- Par réutilisation : il n’est pas nécessaire de chaque fois réinventer la roue. Créer un nouveau savoir nécessite la mobilisation de beaucoup de moyens. Nous pouvons utiliser les best practices déjà disponibles et médiatisées afin de nous concentrer sur le savoir-faire et le savoir-être qu’elles suscitent.
- Par une valorisation où les formateurs et les apprenants reçoivent une monnaie de connaissance, les token qu’ils peuvent utiliser ou donner sans restrictions. C’est une économie d’abondance ou la multiplication des token encourage la multiplication des échanges de savoirs.
- Par une économie de partage et non plus par la consommation individuelle : on apprend juste ce dont on a besoin / ce pour quoi on est le meilleur, et non pas un cursus complet. On participe à un réseau qui, lui, possède les savoirs et savoir-faire complémentaires.
- Par expansion, sur l’écosystème circulaire local viendraient se greffer des clusters par compétences / intérêts sans composante géographique.
Durabilité des opérateurs, des individus et de l’environnement naturel
Un tel écosystème circulaire ne peut être durable que si tous les opérateur et système éducatif, économique, politique et culturel, le sont eux-mêmes, c’est-à-dire qu’ils ont les moyens de vivre et se développer sans nuire aux autres.
L’initiative doit apporter aux individus des compétences professionnelles valorisables sur le marché de l’emploi afin de leur permettre de participer activement à la société tout en leur assurant une vie économiquement digne.
Cela postule également que la santé et le bien-être des personnes et de la nature doivent être garantis, ceux-ci doivent même être considérés avant la durabilité des opérateurs.
Guide pratique d’actions
Pour mettre en place cette économie circulaire de la connaissance, certaines techniques éprouvées peuvent être mise en place.
- Mapping de l’écosystème de parties prenantes, avec leurs ressources et besoins.
- Création d’un écosystème avec des circuits courts qui met en relation les besoins économiques locaux avec l’envie d’apprendre et d’enseigner du bassin d’emploi. Cet écosystème favorise un choix pertinent des domaines d’apprentissage. Il permet aussi des recrutements plus rapides et moins coûteux de profils atypiques qui renforcent la motivation du personnel et la culture d’entreprise.
- Mise en relation car la base de l’économie circulaire des connaissances c’est la rencontre : la rencontre d’une offre et d’un besoin mais aussi la rencontre d’intérêts, la rencontre d’individus, la rencontre humaine en face à face.
- Mise en oeuvre des apprentissages par la pédagogie par projets. Le travail sur des projets réels est stimulant et efficace pour l’étudiant qui travaille en groupe multidisciplinaire, ce qui est l’une des compétences requises par les entreprises. Pour les entreprises porteuses de projets, il apporte en retour l’esprit d’innovation et l’entrepreneuriat.
- Utilisation d’un mix digital – présentiel – coaching alliant le meilleur des savoirs globaux avec la richesse de la relation personnelle, chaleureuse, génératrice de passion et de collaboration.
- Le succès non démenti du développement personnel montre l’importance de la cohérence, de la recherche de sens et de puissance personnelle, des passions et des talents. Nous avons aussi constaté que pour influencer le monde extérieur tangible, il faut être ouvert aux processus de transformation intérieure.
- Le besoin de transmettre et l’enthousiasme à apprendre de ses pairs font le succès des influenceurs en tout genre. Cette dynamique peut être utilisée pour la création et la diffusion de contenu à valeur ajoutée.
- Enfin, l’émergence des écoles en pleine nature (forest school) confirme l’importance de la nature pour le bien-être mais également le besoin de protéger l’environnement.
Un projet-pilote en Brabant Wallon
Une description du projet “Territoire Apprenant” est publiée sur www.extrapreneurs.org.
Les initiatives institutionnelles sont très longues et compliquées à mettre en place avec le risque que les résultats ne répondent pas aux besoins des utilisateurs.
Notre approche est différente et veut allier ambition et pragmatisme en termes de temps et de ressources.
Nous nous sommes inspirés des méthodes de gestion par itérations qui ont vu le jour en entreprise afin de récolter immédiatement les premiers fruits et de rester alignés
sur l’objectif.
- Peu d’énergie pour la planification, beaucoup de place pour l’expérimentation.
- Des projets proposés par des entreprises en lien étroit avec elles.
- Les participants définissent et construisent eux-mêmes leurs savoirs, soutenus par des coachs.
- Évaluation très rapide des résultats et de l’adoption par les utilisateurs.
- Publication des livrables pour partager l’expérience dans un esprit open source.
- Documentation des processus à des fins réflexives et d’amélioration continue.
Les leçons du projet-pilote pourront être utilisées, répliquées et intensifiées.
Conclusion
Au vu des grands enjeux écologiques et sociétaux, il est nécessaire de tester de nouveaux modèles qui réutilisent des blocs connus mais les assemblent dans un écosystème circulaire au service de l’individu, de l’économie et de l’environnement.
Michèle Pasture
www.linkedin.com/in/michele0pasture
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