Et si on créait plus de valeur ajoutée avec nos déchets?

Illustration ©Vincent Dubois

Il existe déjà de nombreuses solutions locales dans le monde, mais il faut aller beaucoup plus loin, upériser le recyclage des déchets…

Nous avons tous vu ces vidéos d’horreur des déchets flottants parmi les pingouins, les montagnes d’ordures en feu dans des pays en développement et les plages de rêve transformées en cauchemar. Et de se rendre compte qu’une partie de nos déchets était envoyée vers la Chine. Impensable. “Peux mieux faire” dirait mon instit’…

États des lieux

On le sait, les tonnages de déchets vont doubler d’ici 2050. Parallèlement, le transport devient de plus en plus cher (les taxes notamment) et a un impact CO2 énorme sans compter l’encombrement des routes.

Il y a aussi déjà une pénurie de chauffeurs. Les zones de basses émissions empêchent les camions d’entrer en ville. Et puis la législation qui va avec est devenue un vrai casse-tête. Les prix de vente des matériaux de récupération ont, pour leur part, déjà diminué de moitié, et cela va continuer.

De très gros investissements seront donc nécessaires à court et moyen terme (camions de collecte propres, tri, traitement), opéré par des entreprises en oligopole. Pas très clair tout cela…

À cela s’ajoute les lois européennes qui vont aussi venir “disrupter” ces grosses installations. Nous allons devoir nettement moins incinérer et moins mettre en décharge. Donc, autant dire que certaines de ces installations ne pourront pas être amorties.

Quant à la qualité de tri, elle reste mauvaise, compliquant le recyclage même. La pire situation reste dans les pays en voie de développement qui deviennent des décharges à ciel ouvert. Dans nos pays, les taxes liées aux collectes et tri des déchets vont donc augmenter, favorisant la décharge sauvage alors que 75% des déchets sont potentiellement recyclables, et que même en Occident on ne recycle que 30%.

Notre idée folle

Face à ce constat, début 2017, nous avions eu une idée un peu folle: celle de recycler les déchets de façon délocalisée dans des micro-usines. Nous avons eu droit à des rires et moqueries. C’était bon signe. Nous tenions quelque chose.

Et au terme d’une après-midi de réflexion, nous sommes arrivés à un projet pilote win-win, concret, improbable de prime abord, en mettant d’accord des acteurs de premier plan qui ne s’étaient jamais imaginés collaborer. En un mois, trois autres projets ont émergé avec d’autres partenaires locaux.

Pour y parvenir, nous avons eu droit à deux douzaines de raisons de blocage. Mais voici la stratégie:

• Récupérer les pertes de rentabilité, à cause de la petite taille, par les synergies entre les différents flux, l’économie en transport et la valorisation financière des produits qui sortent de la micro-usine (carburant, calories, pellets, matières, mobilier,…)

• Exiger des exceptions juridiques afin de permettre d’innover;

• Inclure les partenaires publics dans les brainstormings et projets;

• Créer des économies parallèles (avec cryptomonnaies s’il le faut);

• Créer des emplois d’insertion et adaptés;

• Profiter d’incitants fiscaux et de subsides spécifiques;

• Motiver la population au cœur même des projets, en rendant palpable la valeur du tri et de la revalorisation;

• Exporter notre savoir faire dans territoires vierges pour déployer nos solutions locales;

• Créer de la valeur ajoutée locale et circulaire, un outil de formation et de sensibilisation;

• Le coût de l’énergie est proportionnel à la masse des installations — la petite taille sera plus économe et même motorisable par énergie solaire ou de cogénération avec le méthane produit sur place…

Oser mettre en question le “système”

Les systèmes existants sont trop statiques et anciens. Nous ne trions et recyclons pas plus qu’il y a 20 ans… Là, nous devenons dynamiques et tenons compte de l’évolution de la société et de ses besoins, tout en étant plus rapides et efficaces, plus souples.

Il existe déjà de nombreuses solutions locales dans le monde, mais il faut aller beaucoup plus loin, upériser le recyclage des déchets… Le “parc à conteneurs” peut évoluer encore, en lien avec les zones d’activités, avec la possibilité de recycler sur place. Mais surtout, les acteurs locaux ne se parlent pas assez. Rien que cela créerait une plus value et une réduction de coûts très importante.

Le tout mis bout à bout, ce “changement de paradigme” répond aux multiples enjeux de ce secteur. En bonus, la création d’emplois durables locaux et une relocalisation d’une industrie vraiment vertueuse et inspirante pour nos jeunes. La Belgique a un vrai rôle à jouer sur ce coup-là aussi.

* Le collectif du Club of Brussels est composé de Xavier de Ghellinck, Didier Lodewyckx, Michel de Kemmeter, Benoit Pitsaer, Axelis Nuyt, Pascal Léglise, Sven Wiltink, Etienne Offergeld, Thierry Pauwels, Pierre Chaudoir, Donald Marchandise, Guilain Sevriere, Briony Vanden Bussche, Hupin G., J-M Legrand et Jérôme Matthieu de Wynendaele. www.clubofbrussels.org