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Des universitaires réunis autour du Club of Brussels et de l’incubateur Extrapreneurs ont identifié 26 enjeux que notre pays devra résoudre lors de la prochaine décennie. La facture risque d’être salée.
Objectif 2030
C’est l’année que s’est fixée Michel de Kemmeter, expert en transition économique, fondateur du think tank Club of Brussels et professeur associé au Vesalius College de la VUB. D’ici cette année-là, estime-t-il, faute d’avoir pris les mesures nécessaires, il faudra résoudre plusieurs problèmes en même temps: les catastrophes naturelles, les pensions, la transition énergétique, la cybersécurité, l’absentéisme longue durée… Pendant 3 mois, avec l’aide d’une demi-douzaine de personnes, universitaires pour la plupart, Michel de Kemmeter a identifié 26 enjeux… et les a chiffrés. Pour cela, lui et ses collègues ont épluché tous les rapports disponibles venant d’institutions, de centres de réflexion, d’ONG, d’études d’entreprises, etc. Et l’ardoise est énorme: d’ici 2030, il faudra rassembler 9.000 milliards d’euros, plus de 20 fois le PIB de la Belgique. “Ça a été un choc pour nous, pose-t-il d’emblée. Et tous ces enjeux sont en train de converger, et vont éclater simultanément, le tout pour la plupart avant 2030. C’est du jamais vu.”
Prenons la mutation des métiers, due au chamboulement du marché du travail à cause des innovations technologiques. “Nous sommes face au plus gros chantier de formation de l’histoire de l’humanité: deux tiers des métiers vont muter. Comment former 20 fois plus de personnes qu’aujourd’hui?” Dont coût: 38,5 milliards d’euros, selon une estimation basée sur une étude d’Agoria.
Autre exemple: la rénovation des bâtiments, “des millions de mètres carrés d’immobilier public, la plus grande partie est obsolète, à abattre ou à rénover”, dixit cet ancien pro de la brique. Dont coût, l’un des plus gros: 2.250 milliards d’euros, un montant calculé sur base des données de la Régie des bâtiments et de la Vlaamse milieumaatschappij.
L’absentéisme, les maladies de longue durée, les burn-outs,… le monde du travail est en ébullition. Dont coût: 297 milliards d’euros, selon des données d’économistes et d’institutions comme l’Inami et Gallup.
On y retrouve aussi le coût d’une crise financière que beaucoup prédisent (15 milliards en 2008, selon la Cour des comptes), la pauvreté suite à l’effondrement des pensions (172,8 milliards), le redressement de notre biodiversité (3.360 milliards pour la Belgique, selon le Giec, WWF et Greenpeace), etc. “Tous ces chiffres sont critiquables, admet Michel de Kemmeter, mais la méthodologie est défendable. Et encore, nous n’avons pu chiffrer que 90% de nos enjeux.”
Une fenêtre historique
Et pourtant, doit-on baisser les bras? Non, répond notre expert qui se dit optimiste pour la première fois depuis qu’il a redéposé ses valises en Belgique il y a deux ans, après avoir déployé ses idées partout dans le monde. “C’est la première fois qu’une fenêtre historique s’ouvre à ce point: le pouvoir est vraiment dans les mains des gens et de leur créativité entrepreneuriale. Tant les dirigeants d’entreprise que le monde politique sont terrifiés devant l’ampleur de ces enjeux multiples.” Certaines entreprises sont sur la bonne voie. Notre expert cite Permafungi, qui récupère les marcs de café pour les transformer en champignons et dont les déchets fabriquent de l’engrais naturel; Pairi Daiza et son approche holistique de cohabitation animale, végétale, architecturale et économique, ainsi que la “circularité” de ses déchets; Hello Fresh qui assure la durabilité tout le long de toute sa chaîne de valeurs; Beescoop et ses coopératives de distribution.
Et Michel de Kemmeter de pointer également quelques idées citoyennes qui marchent à l’étranger. À Saillans en France ou à Bregenz en Autriche, où autorités et habitants développent leurs projets main dans la main. L’Argentine des années 2000 (“où des employés ont repris en coopératives les usines abandonnées par les investisseurs”). Ou encore la ville américaine de Detroit, ravagée par la crise de 2008. “On y voit des communautés émergentes qui retournent à la terre, assainissent leur environnement, mais qui assurent aussi la sécurité, l’éducation, bref qui réorganisent à partir du terrain les fonctions vitales de la société. C’est dans les chocs que la créativité des communautés se réveille, cette intelligence collaborative répond aux besoins: habiter, manger, s’éduquer, communiquer, etc.” Et les chocs sont là, qui nous pendent au nez. Avis à la population: faites tourner les méninges!
Serge Quoidbach
Rédacteur en chef adjoint
Source: L’Echo