Demain, la diversité ne fera plus peur aux entreprises

Publié dans l’Echo le 14 février 2019
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L’échec des politiques d’inclusion dans le marché du travail belge n’est pourtant pas une fatalité mais une construction sociale. Des solutions existent pour améliorer la situation et profiter pleinement de la richesse de la diversité : l’apport d’autres cultures, l’innovation des jeunes, l’expérience des anciens, une plus large féminisation du travail pour compenser le vieillissement de la population, sans oublier l’intégration des personnes en situation de handicap.

La Belgique continue à enregistrer de mauvais résultats en matière de gestion de la diversité dans le marché du travail. Nous nous référons dans cet article à la diversité prise dans son sens large : cultures, générations, handicaps et genres. En effet, de fortes discriminations directes, indirectes, sournoises et structurelles persistent.

Malgré une forte croissance depuis les années 70, le taux d’emploi féminin reste inférieur à celui des hommes (66,3 % et 73.8%) [1]. Le nombre supérieur d’emplois féminins temporaires et à temps partiels empire le constat : en quantités d’heures, la féminisation du marché du travail est beaucoup moins importante. Il existe également une ségrégation verticale structurelle dans la mesure où le travail féminin est plus souvent salarié. De plus, toutes choses égales par ailleurs, une femme gagne en moyenne 8% de moins qu’un homme [2].

La gestion de la diversité culturelle est également défectueuse. Le taux de chômage des personnes provenant de pays hors UE-28 atteint les 25% [3] . Et les immigrés au travail subissent 3 un phénomène d’ethnostratification : ils sont plus souvent concentrés dans des secteurs porteurs d’emplois précaires aux conditions difficiles. La banalisation des discours xénophobes et la montée de l’extrême droite risquent par ailleurs d’empirer la situation.

Quatre générations se côtoient au travail. Pourtant, les jeunes ont tendance à être écartés des organes de gouvernance et de décision. A titre d’exemples, les moins de 45 ans ne représentent que 8% des CA des grosses entreprises belges et seulement quatre des 150 députés ont moins de 30 ans [4] . D’un autre côté, certains anciens sont également rejetés du marché de l’emploi, ou poliment mis de côté.

L’échec des politiques d’inclusion dans le marché du travail belge n’est pourtant pas une fatalité mais une construction sociale. Des solutions existent pour améliorer la situation et profiter pleinement de la richesse de la diversité : l’apport des autres cultures, l’innovation des jeunes, l’expérience des anciens, une plus large féminisation du travail pour compenser le vieillissement de la population, sans oublier la richesse que génère l’intégration des personnes en situation de handicap.

1. Seuls, on ne fera rien

184 nationalités vivent ensemble quotidiennement à Bruxelles. L’intensification du processus de globalisation a modifié nos rapports sociaux et rendu nos sociétés profondément multiculturelles. Il est indispensable d’apprendre à vivre ensemble car on ne saura pas faire autrement. Les replis identitaires sont inefficaces et inenvisageables. Les migrations ont toujours existé, elles ont simplement pris une autre dimension avec le développement des technologies et des transports. Les migrations climatiques vont participer à l’accélération de ces flux. Nous ne saurons faire autrement que de partager les ressources. Créer du lien est un besoin universel et répond à un enjeu fondamental : devenir humains, vraiment. Donc, seuls on ne fera rien de bon. Il va falloir faire ensemble – qu’on le veuille ou non – traversant toutes les frontières possibles d’âges, de cultures, de genre, de fonctions et d’industries.

2. Raconte-moi ton histoire

Impliquer les personnes issues de la diversité nécessite le prérequis de s’intéresser à celles-ci. Adopter une posture de curiosité continue permettra réellement de comprendre les autres cultures et générations et l’apport de leurs inclusions. En écoutant et respectant les histoires personnelles, nous allons casser les croyances et apprendre d’autrui. Pour ce faire, notre altruisme socio-émotionnel doit pouvoir dominer notre égo personnel.

3. Décider ensemble, sur la durée, dans des espaces de qualité

Si cette curiosité est authentique, elle entraînera l’adoption de comportements inclusifs. Vouloir apprendre des jeunes et d’autres cultures amène à les questionner, les écouter activement, les découvrir, les respecter, les comprendre. Il s’agit d’un travail quotidien de dialogue. Pour mener à bien cette démarche, on pourrait penser à mettre en place dans les entreprises des outils de médiation afin de connaître et comprendre la réalité du terrain et les difficultés rencontrées par chacun. Cette inclusion doit pouvoir être percevable par la personne concernée. Il est important d’impliquer un plus grand nombre aux prises de décision. On pourrait par exemple imaginer une ouverture des conseils d’administration afin de décider collectivement la gouvernance : gouvernance participative, management collaboratif, apprentissage de pair à pair, événements d’équipe réguliers. Bref, travailler sa terre en continu.

4. Servir plus grand que nous, valoriser chacun

Inclure la diversité sous-entend avancer ensemble. La co-création nous semble dès lors essentielle. Si nous parvenons à créer un projet commun qui a du sens, où tous ont participé d’une façon ou d’une autre, nous obtiendrons l’adhésion et la participation active à quelque chose de plus grand que nous auquel chacun adhère. Un groupe qui sert l’intérêt commun et la mission qu’il a définie collectivement n’est-il pas plus efficace que la simple addition des valeurs de chacun ? Adopter une vision commune et fédérer sur des points communs est compatible avec le respect des différences et des particularités. Le sens, la quête commune, où chacun peut trouver sa place et amener le meilleur de lui-même est une des clés suprêmes.

5. Manger-danser-chanter

Valorisons les expériences positives de diversité : mettons en place des espace-temps qui permettent la rencontre et l’interaction, célébrons la richesse de la différence (par l’humour, des activités ludiques, le partage de repas culinairement divers), ouvrons les organes de décision et de gouvernance, osons la transparence sur les salaires et les enjeux pour amener la compréhension, la confiance et le respect dans les équipes. Mais surtout, rassembler autour de ce qui touche chacun: manger, danser, et chanter… succès de la diversité garanti !

De : toutes les personnes présentes au workshop : Jean Debrosse, Michel de Kemmeter, Didier Lodewyckx, Antoine Arnould, Elise Tilmans, Benoit Pitsaer, Thierry Pauwels, Jenifer Desmet, Eric Hereman, Didier Van Rillaer, Bruno Arnould et Marc Ruelle.

[1] Statistiques du gouvernement belge, 2017

[2] http://statbel.fgov.be/sites/default/files/2017-12/Rapport%20Ecart%20salarial%202017.pdf 

[3] SPF Travail, Emploi et Concertation sociale, 2017

[4] https://www.lachambre.be/kvvcr/pdf_sections/pri/fiche/fr_10_00.pdf  

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